dossier Patrimoine national, la SNCF n’est pas à vendre

Servir la finance ou l’intérêt général ? Pour les libéraux du gouvernement comme de la Commission européenne, le transport ferroviaire se résume à une activité marchande, qui doit enfin être soumise à la logique impérieuse du profit, quitte à en finir avec sa mission historique de service public. C’est le sens profond de la réforme de la SNCF engagée par Emmanuel Macron et sa majorité. Une réforme qui prépare de fait le démantèlement et la privatisation de l’opérateur historique. Selon nous, le train relève au contraire de l’intérêt général. Il nécessite un système d’exploitation modernisé, unifié, public, sur un réseau unique, pour garantir une offre cohérente et performante, ainsi qu’une péréquation à l’échelle nationale.

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Aménagement du territoire et développement durable

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Ces tenants de l’ultralibéralisme qui veulent danser sur la dépouille de la SNCF

Nouveau pacte ferroviaire : conclusions de la CMP -

Par / 14 juin 2018

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en préambule, je tiens à dire quelques mots de la manière dont s’est déroulé le vote solennel de la semaine dernière.

Nous avons trouvé particulièrement honteux les propos d’un sénateur qui, pendant quatre des sept minutes de temps de parole qui lui étaient imparties, a vomi dans cet hémicycle sa haine des cheminots, des syndicalistes et des communistes.

Si nous pouvons avoir des divergences d’opinions, nous devons respecter le cadre démocratique de nos débats et accepter la confrontation d’idées, sans qu’elle donne lieu à des insultes. Ces paroles et ces actes n’honorent pas ceux qui s’y prêtent dans cette enceinte républicaine.

Cette mise au point étant faite, revenons-en à ce qui nous occupe ce matin : la clôture des débats parlementaires sur le projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire.

Cette clôture est toute provisoire, puisqu’il nous faudra ratifier l’ensemble des nombreuses ordonnances prévues par le présent texte lors de la prochaine session parlementaire. À cette occasion, je vous le dis, vous trouverez encore dans les membres de notre groupe des opposants déterminés à tout recul du service public et des garanties collectives. Notre cap –l’intérêt général et la défense des droits de nos concitoyens – ne varie pas.

Si le processus parlementaire s’achève, c’est que la commission mixte paritaire s’est entendue sur un texte de compromis. Ce n’est pas une surprise : tout au long des débats, nous avons constaté une volonté commune à la majorité présidentielle et à la majorité sénatoriale d’en finir avec la culture publique du rail dans notre pays en changeant le statut de l’opérateur national, la SNCF, et en libéralisant la quasi-totalité des transports de voyageurs.

Nous le regrettons, pour les territoires comme pour les usagers du rail, car, au-delà des discours, la libéralisation s’accompagne toujours d’une dégradation du service, de l’abandon des activités non rentables, d’un changement de logique.
Je n’en prendrai qu’un exemple, celui du gaz, particulièrement éclairant, si je puis dire... (Sourires.) Par une succession de lois, ce service public a été livré au privé. Aujourd’hui, chez Engie, société anonyme dont, à l’origine, les capitaux étaient totalement publics, le taux de redistribution aux actionnaires s’établit au niveau extraordinaire de 333 % pour les années 2009 à 2016. Cela fait beaucoup de pognon, comme dirait l’autre… (Rires.) Dans le même temps, le taux de participation des salariés était de 1 %. Quant aux tarifs, ils ont augmenté de 80 %. Nous ne voulons pas de cette voie pour la SNCF, qui doit rester la cheville ouvrière du droit à la mobilité pour tous.

Madame la ministre, que dire de plus sur cette réforme ? Peu de choses.
Le Gouvernement a misé sur une division syndicale, à la suite de l’examen du texte au Sénat : il n’en est rien. Les cheminots restent, avec lucidité et dans l’unité de leurs forces syndicales, extrêmement mobilisés pour refuser ce nouveau pacte ferroviaire. Les pseudo-garanties apportées, notamment en cas de transfert, n’auront donc pas suffi à rassurer les agents du service public.

Les amendements « très sociaux », comme les qualifiait le rapporteur, n’auront pas pu cacher le sombre dessein qui sous-tend ce projet de loi : la fin programmée du statut et le renvoi à une nouvelle convention collective, dont il n’est absolument pas évident qu’elle soit aussi favorable aux salariés.
Il s’agit là d’un mépris inacceptable quant aux conditions sociales faites aux acteurs du quotidien du service public ferroviaire ; un mépris que nous avons senti s’exprimer tout au long des débats, comme si l’enjeu de ce texte était d’en finir avec le statut des cheminots, afin d’ouvrir la voie à des régressions toujours plus fortes pour les salariés.

Nous prenons acte aujourd’hui des conclusions de la commission mixte paritaire et nous continuons de demander le retrait de ce projet de loi,...

Mme Françoise Férat. C’est un peu tard !

Mme Éliane Assassi. ... qui ne répond pas aux enjeux d’un service public ferroviaire moderne et efficace.

Vous savez, madame Férat, la résistance, on connaît, chez les communistes. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

M. Bruno Sido. Il n’y a pas que chez vous !

Mme Éliane Assassi. Nous aurons l’occasion, lors de l’examen du projet de loi sur les mobilités intérieures, de revenir sur notre vision d’une mobilité du XXIe siècle. Pour nous, l’avenir du rail, c’est bien le service public et la maîtrise publique ; les chantiers sont nombreux.

Au rebours de la transformation en société anonyme, nous entendons promouvoir la démocratisation de l’entreprise publique pour mieux prendre en compte les besoins des territoires et des usagers.

L’avenir, c’est la relance du fret ferroviaire comme outil de transition écologique, c’est le rééquilibrage modal grâce à des leviers fiscaux et sociaux, pour en finir avec l’avantage concurrentiel de la route, c’est la fin des cars Macron.

En contradiction avec ses engagements européens et internationaux, la France n’a pas respecté la trajectoire fixée pour ses émissions de gaz à effet de serre, notamment pour ce qui concerne les transports. C’est incompréhensible.
L’avenir, ce sont des trains plus nombreux, notamment des trains d’équilibre du territoire, pour lutter contre l’enclavement et la désertification rurale.
L’avenir, ce sont des trains plus sûrs et plus ponctuels. En effet, mes chers collègues, il ne faut pas imaginer une seule seconde que cette réforme va changer quoi que ce soit à la galère quotidienne des usagers. Moderniser le service, c’est moderniser le réseau et les installations, aujourd’hui vétustes et obsolètes,...

M. Gérard Cornu, rapporteur. Là, nous sommes d’accord !

Mme Éliane Assassi. ... comme en témoignent les accidents, les chutes de caténaire, les pannes, à l’instar de celle qui, hier encore, est survenue à Saint-Lazare. À cela, la concurrence ne changera rien.

Ce qu’il faut, ce sont donc des financements. À cet égard, les sommes annoncées par le Gouvernement ne sont que de simples promesses, notamment pour ce qui concerne l’avenir des lignes de vie dans le cadre des contrats de plan.

Madame la ministre, nous vous proposions d’autres outils : l’instauration d’une taxe poids lourds, pour que les infrastructures routières soient financées par les usagers de la route ; l’institution d’un versement transport régional ; la baisse du taux de TVA sur les services de transports ; la renationalisation des autoroutes, dont la privatisation prive, chaque année, l’État de près de 2 milliards d’euros de ressources, qui vont dans la poche des actionnaires.
Vous n’avez pas voulu vous saisir de ces outils, préférant renvoyer ces questions à plus tard. Alors, nous prenons date, et nous reformulerons toutes ces propositions d’avenir lors de l’examen du projet de loi d’orientation sur les mobilités.

Aujourd’hui, dans la continuité de l’ensemble de nos interventions, nous voterons contre les conclusions de la commission mixte paritaire, contre ce pacte ferroviaire agité comme un trophée par tous les tenants de l’ultralibéralisme…

M. Frédéric Marchand. Oh là là…

Mme Éliane Assassi. … qui veulent danser sur la dépouille de la SNCF.

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