Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Le gouvernement abandonne un principe fondateur de la sécurité sociale

Financement de la sécurité sociale pour 2019 -

12 novembre 2018
Le gouvernement abandonne hélas un principe fondateur de la sécurité sociale
par [Groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste->https://www.youtube.com/channel/UCGMy4lcU26bYb4ZFHYMZQZw]
https://youtu.be/XgHhsXjebCw
Le gouvernement abandonne un principe fondateur de la sécurité sociale

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 10 octobre dernier, vous-même, madame la ministre, avez présenté ce projet de loi de financement de la sécurité sociale en lui assignant « une double ambition » : « investir » d’abord, et « protéger » ensuite. Nous partageons cette volonté de rénover notre système de santé et de protéger ses usagers, mais nous ne l’avons pas retrouvée dans ce texte, qui présente à nos yeux, deux caractères principaux.

Le premier est l’abandon d’un des principes fondateurs de la sécurité sociale, qui veut que chacun cotise selon ses moyens et reçoive selon ses besoins. Ma collègue Laurence Cohen vient de vous en parler.

Le second réside dans l’obsession d’apurement de la dette sociale, au détriment de la construction d’une politique sociale active, qui, seule, permettrait de répondre véritablement aux besoins de la population.

Où sont les investissements et la protection ?

Ce budget vise, pour la première fois depuis dix-huit ans, un retour à l’équilibre de la sécurité sociale, tandis que l’apurement de la dette est prévu pour 2024. Peut-on vraiment s’en féliciter, alors que cela repose sur les sacrifices de l’hôpital public et prive les usagers d’un service de santé de qualité ?

Madame la ministre, vous le savez, mes collègues des groupes communistes de l’Assemblée et du Sénat ont arpenté le pays pour préparer ce PLFSS. Depuis le printemps, ce ne sont pas moins de cent établissements qui ont été visités, hôpitaux, EHPAD, EPSM – établissements publics de santé mentale –, afin d’entendre les premiers concernés, ces hommes et ces femmes qui soignent le pays.

À l’occasion de ce tour de France, nous avons pu constater que les hôpitaux étaient exsangues et qu’ils manquaient de moyens humains et financiers. Pourtant, le Gouvernement poursuit les mesures d’austérité. Certes, l’ONDAM connaît une revalorisation de 2,5 %, mais celle-ci est insuffisante pour couvrir les besoins de santé, puisque la croissance tendancielle des dépenses s’établit mécaniquement à 4,5 % pour une qualité de service public égale.

Quant aux 400 millions d’euros supplémentaires investis dans le système de santé, ils visent avant tout à financer sa transformation, avec la création de 1 000 communautés professionnelles territoriales de santé. Autrement dit, cette enveloppe ne permettra pas de répondre aux besoins et aux préoccupations des établissements qui luttent pour survivre et assurer des soins décents.

Après les espoirs suscités par l’annonce du déblocage de cette somme, l’examen des détails est douloureux ! Son montant paraît bien faible lorsqu’on le compare à la dette des hôpitaux. À titre d’exemple, l’équivalent de l’AP-HP à Marseille présentait un déficit de plus de 40 millions d’euros en 2016 et, à Lens, d’au moins 39 millions d’euros, alors qu’il faudrait augmenter les engagements consacrés au nouvel établissement.

Plus grave encore, le PLFSS pour l’année 2019 ne propose pas de financements suffisamment élevés pour assurer un service public de la santé de qualité, mais il requiert en revanche des économies supplémentaires de la part des hôpitaux, pour quasiment un milliard d’euros en 2019.

Madame la ministre, vous dites vouloir investir dans notre système de santé. Pourtant, les montants destinés à la rénovation du service public de la santé sont dérisoires au regard des cadeaux fiscaux accordés aux entreprises.

Pour ces dernières, ce PLFSS apparaît comme une véritable bénédiction : elles toucheront cette année 20 milliards d’euros au titre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, et elles bénéficieront de nouveau de la même somme avec la transformation, l’an prochain, de ce dispositif en allégement de cotisations. Le bilan total de ces mesures dépasse 40 milliards d’euros.

Je me permets de le rappeler : entre 2005 et 2012, soixante-deux établissements publics de proximité ont fermé et 32 000 lits ont été supprimés. Pour les EHPAD et le maintien à domicile, les besoins sont évalués à près de 100 000 salariés supplémentaires ; ils atteignent 200 000 postes en plus pour assurer un bon fonctionnement des services hospitaliers. Je ne peux que m’interroger : tous ces milliards n’auraient-ils pas pu être consacrés à empêcher des fermetures de services, à financer de nouveaux lits, à créer des emplois ?

L’ambition de « protéger » que vous affichez, madame la ministre, s’annonce également décevante et mal concrétisée dans ce PLFSS. Comment peut-on prétendre rechercher un tel objectif, alors même que les choix régressifs visant les plus vulnérables s’accumulent ?

Ainsi, en 2018, 7 millions de retraités ont vu leur fiscalité augmentée par la hausse de la CSG, bien faiblement compensée par les mesures contenues dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale et qui ne concerneront finalement que 350 000 foyers.

En 2019, ces retraités ne verront leurs pensions revalorisées qu’à hauteur de 0,3 %, c’est-à-dire bien au-dessous du taux de l’inflation, alors même que celles-ci sont un droit issu des cotisations payées tout au long de leur carrière. Cela dénote un mépris total de nos aînés, particulièrement des femmes, qui constituent la part la plus pauvre des retraités.

Les personnes en situation de handicap sont également très impactées par ce projet de budget de la sécurité sociale. La liste des mesures négatives à leur égard est longue.

Sans vouloir « remettre le couvert » – passez-moi l’expression –, je souhaite rappeler que lors, de la présentation de notre proposition de loi visant à recalculer l’AAH, on nous avait rétorqué qu’une refonte globale du système des aides et des procédures pour aller vers plus de droits pour les personnes handicapées était nécessaire. On mesure l’hypocrisie de cet argument grâce à ce PLFSS, qui, sans rien améliorer, attaque plus encore les droits de nos concitoyens. Or ce sont précisément ces petites subtilités qui usent les personnes en situation de handicap ou leurs proches : l’obligation de faire et de refaire des dossiers, la perspective de voir les maigres ressources grignotées à chaque amélioration de l’ordinaire, le maintien dans une dépendance profonde vis-à-vis des autres, etc.

Ces deux derniers mois, j’ai rencontré des associations, des personnes handicapées et leurs familles pour préparer nos débats. J’ai à l’esprit, notamment, ces mères d’enfants atteints de troubles autistiques, qui sont seules face au handicap de leur enfant, obligées d’arrêter de travailler faute de structures et de soutien au quotidien et qui doivent lutter constamment, dans tous les aspects de la vie de leur foyer. Quel message leur enverrons-nous avec ce PLFSS ?

En limitant les cumuls RSA-AAH, en maintenant la CSG sur la prestation de compensation du handicap, la PCH, utilisée pour financer les aidants, en supprimant les aides aux transports, ce PLFSS renvoie dans les limbes les personnes en situation de handicap, en les inscrivant dans une double trappe à pauvreté et à exclusion !

Madame la ministre, en présentant ce texte, vous aviez mis en avant certaines dispositions qui semblaient alors positives, comme les politiques préventives ou le « 100 % santé ». À y regarder de plus près, cependant, celles-ci se sont finalement révélées bien peu ambitieuses. Nous nous félicitons des mesures de prévention en matière d’addictologie et d’autisme, mais nous doutons qu’elles puissent être effectivement mises en œuvre, en raison de l’absence de moyens réels qui leur seront consacrés.

Quant au « 100 % santé », il s’agit également d’affichage. Contrairement à ce que l’on pouvait espérer, il ne permet pas un remboursement complet par la sécurité sociale des frais dentaires, de matériels optiques et auditifs. Le reste à charge sera assumé par les mutuelles, qui ne manqueront pas de répercuter les coûts en augmentant leurs tarifs ou en appauvrissant le panier de soin, vous le savez bien ! Plus dramatique encore est la situation des 4 % de Français qui n’ont pas de complémentaire santé et qui seront nécessairement exclus du bénéfice de cette disposition.

Le projet que vous présentez propose des investissements bien insuffisants pour permettre à notre service public de santé de fonctionner et il continue de frapper au portefeuille ceux qui subissent la précarité. Il vise, avant tout, à faire des économies et il prolonge les mesures régressives déjà engagées lors du précédent PLFSS : difficulté d’accès aux soins, remise en cause de la politique familiale, matraquage des retraités, étatisation de la sécurité sociale.

Toutes ces dispositions construisent une société de plus en plus injuste et creusent les inégalités, pourtant déjà trop grandes. Cette année, 9 millions de personnes vivent en situation de pauvreté en France, pourtant cinquième pays comportant le plus grand nombre de millionnaires au monde.

Le problème de l’État, c’est donc non pas le manque de moyens, mais les choix qui privilégient les politiques austéritaires. Notre pays dispose de vastes capacités financières et il est grand temps qu’il les mobilise afin de construire un système de sécurité sociale qui réponde réellement aux besoins de la population. Il faut mettre fin à la casse de l’hôpital public et lutter efficacement contre la précarité, la désertification médicale et le renoncement aux soins, qui touche quatre Français sur dix.

Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste défend le projet alternatif d’un système de sécurité sociale juste et pérenne.

Nous considérons que tous les soins de santé devraient être pris en charge à 100 % par la sécurité sociale. C’est la seule façon de répondre aux besoins humains de protection de la naissance à la mort. Cette assistance face aux aléas de la vie est un facteur essentiel du développement économique et social.

Par ailleurs, nous proposons la création d’un pôle public du médicament. Une telle institution, gérée au niveau national, permettrait de renforcer l’innovation et de rendre possible l’accès de tous et à tout moment aux produits de santé. Au regard des événements récents, c’est un impératif. L’année 2018 a en effet été marquée par les scandales sanitaires, comme celui du Levothyrox, et par les pénuries de médicaments, comme le Sinemet, pourtant nécessaire au traitement de la maladie de Parkinson.

Nous militons, enfin, pour que chacun puisse avoir accès aux soins.

Nous sommes pragmatiques et chacune de nos propositions repose sur un financement solide, suivant la philosophie de solidarité qui présidait à la création de la sécurité sociale. Il est grand temps de mettre à contribution les entreprises et d’arrêter de frapper au portefeuille ceux qui sont les plus fragiles.

Le projet que vous présentez est aux antipodes de notre conception de la sécurité sociale comme de la société en général, c’est pourquoi nous nous y opposerons !

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