Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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La sécurité sociale souffre d’un problème récurrent de financement, sciemment organisé

Gestion de la dette sociale -

Par / 17 septembre 2010

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi organique soumis cet après-midi à notre assemblée n’est pas, selon nous, à la hauteur des enjeux qui se posent. Ces enjeux ne sont pas mineurs puisqu’il ne s’agit ni plus ni moins que de résorber la dette grevant actuellement les comptes sociaux et de permettre, si l’on s’en donne les moyens, à la sécurité sociale de renouer avec l’équilibre.

Avant d’en venir aux principales raisons qui vont motiver notre opposition à l’ensemble du texte, et qui se concentrent sur l’article 1er, je voudrais saluer – une fois n’est pas coutume – l’adoption par la commission des affaires sociales, à l’unanimité de ses membres, de l’amendement du Gouvernement devenu article 2 bis. (M. le ministre fait un signe d’assentiment.)

Cet article modifie la composition du conseil d’administration de la CADES en prévoyant la participation des partenaires sociaux.

Mme Isabelle Debré, vice-présidente de la commission des affaires sociales. Très bien !

Mme Éliane Assassi. Cette disposition, qui satisfait une demande récurrente de la Cour des comptes, constitue d’abord et avant tout un acte fort. Cela mérite d’être relevé, en particulier dans le contexte actuel, même si, je le souligne, on aurait pu choisir un autre vecteur qu’une loi organique.

J’ai d’ailleurs été étonnée d’apprendre que la commission des affaires sociales avait auditionné une agence de notation alors qu’elle n’avait pas reçu les organisations syndicales.

M. Guy Fischer. Ce n’est pas normal, c’est du parti pris !

Mme Éliane Assassi. Il nous semble pourtant qu’elles ont beaucoup à dire et elles auraient sans doute pu formuler quelques propositions intéressantes !

Cela dit, nous n’en tenons pas rigueur au rapporteur général,…

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je vous en remercie !

Mme Isabelle Debré, vice-présidente de la commission des affaires sociales. C’est louche !

Mme Éliane Assassi. Il n’y a jamais rien de louche avec moi, madame Debré, vous devriez le savoir ! Je disais donc que nous n’en tenons pas rigueur au rapporteur général, car il a eu connaissance des propositions concrètes de financement du Gouvernement presque en même temps que la presse.

Comment le blâmer de ne pas avoir auditionné les organisations syndicales alors que le Gouvernement, qui devrait être exemplaire en matière de dialogue social, a tout simplement choisi de ne plus réunir la Conférence des finances publiques depuis qu’il a créé la Conférence de la dette publique. La différence entre ces deux organismes n’est pourtant pas uniquement de nature sémantique, loin s’en faut, puisque la Conférence de la dette n’intègre pas les organisations syndicales. Certes, quelques personnalités syndicales y sont présentes, mais au titre d’autres mandats.

Et puis surtout, les missions des deux organismes sont radicalement différentes. En effet, si la Conférence des finances publiques a pour objet de réfléchir globalement sur les finances publiques ou sociales en traitant notamment des prélèvements et des solidarités, la Conférence de la dette publique n’aborde cette question que sous le seul angle de la réduction des dépenses, réduction qui constitue d’ailleurs, jusqu’à aujourd’hui, l’essentiel de votre politique en matière sociale.

Monsieur le ministre, si vous aviez été plus attentifs aux déclarations des partenaires sociaux, notamment des organisations syndicales, vous auriez sans doute pu vous rendre compte à quel point ce projet de loi organique est insuffisant. J’en veux pour preuve votre décision de transférer la dette sociale pour 2011 à la CADES, comme si cette dette était inéluctable ! Un tel renoncement est étonnant de la part d’un Gouvernement qui, dès lors qu’il s’agit de taxer les salariés, rechigne rarement, comme le confirme votre projet portant réforme des retraites. C’est bien simple : avec vous, ce sont toujours les mêmes qui doivent payer.

Le rapport annuel de la Cour des comptes, qui vient d’être rendu public, est à cet égard très intéressant. On y apprend par exemple que les documents qui servent à l’élaboration des lois de financement de la sécurité sociale pourraient être plus précis, et c’est peu dire… Ainsi, selon le PLFSS pour 2010, les niches sociales priveraient les comptes sociaux de 42 milliards d’euros, ce qui est déjà considérable. Mais la Cour des comptes estime pour sa part que le montant total serait plus proche de 62 milliards d’euros. Devant une telle différence, de 20 milliards d’euros, nous ne pouvons que nous interroger sur la sincérité des comptes qui nous sont présentés. L’actuel président de la Cour des comptes indique, dans une interview à la presse économique, que : « les coûts pour les finances publiques des niches sociales sont bien supérieurs à ceux figurant dans les précédentes lois de financement de la sécurité sociale ».

Vous me rétorquerez sans doute que vous avez fait des efforts, notamment avec la création du forfait social, la hausse des cotisations sur les stock-options et les parachutes dorés. Certes, mais ces quelques efforts ne compensent pas les mesures d’allègements et autres exonérations que vous avez prises depuis 2007. Le résultat est simple. Si l’on place sur la balance le total des recettes et des dépenses, il manque au moins un milliard d’euros : une perte sèche peu acceptable dans la situation actuelle.

Par ailleurs, le déficit augmente à une vitesse toujours plus élevée. Comme l’écrit le journaliste Rémy Janin : « Alors que, depuis plusieurs années, la dégradation des comptes était peu ou prou équivalente à 10 milliards d’euros chaque année, l’année 2009 marque une aggravation dans la mesure où le déficit cumulé passe de 11,9 milliards d’euros en 2008 à 25 milliards en 2009 ». Autrement dit, votre politique et la crise économique aggravent la situation. Car, mes chers collègues, la crise économique est passée par là et les 34 milliards d’euros qu’elle a coûté à la sécurité sociale – c’est-à-dire à nos concitoyens – devraient expliquer la situation actuelle. Or, la crise est le révélateur de l’inefficacité de votre politique sociale puisque vous vous êtes montrés dans l’incapacité d’impulser une véritable politique de l’emploi permettant d’empêcher les destructions massives de ces derniers mois.

En réalité, nous le savons, la sécurité sociale souffre d’un problème récurrent de financement, sciemment organisé, ai-je envie de dire ! Permettez-moi de reprendre à mon compte une déclaration de Nicolas Sarkozy sur les retraites,puisque ce qui vaut pour les retraites vaut également pour l’ensemble de notre système de protection sociale : « Tous les chiffres sont sur la table […] nous ne pouvons plus différer les décisions ». On ne saurait mieux dire ! Mais si l’on rapproche ces déclarations du présent projet de loi organique, l’on a un peu l’impression que vous avez du mal à passer de la parole aux actes.

Pourtant, les données sont connues. Selon la Commission européenne, la part des salaires dans la valeur ajoutée a chuté en France de 9,3 % entre 1983 et 2006 – soit l’équivalent de près de 100 milliards d’euros par an qui profitent au capital plutôt qu’au travail – tandis que sur la même période, la part des dividendes versés aux actionnaires grimpait de 3,2 % à 8,5 % du PIB et de 5 % à 25 % de la valeur ajoutée. À cela s’ajoutent les exonérations de cotisations sociales qui agissent comme de véritables trappes à précarité, tirant les salaires vers le bas alors que les exemptions d’assiettes sont accordées, quant à elles, sans aucune contrepartie.

Ces mesures, qui tendent toutes à diminuer le coût du travail, font aujourd’hui débat, notamment en comparaison de leur efficacité quantitative et qualitative en matière d’emploi.

En réalité, les exonérations générales de cotisation ne garantissent pas le maintien de l’emploi. Pire, elles participent à précariser l’emploi et creusent donc, elles aussi, les déficits sociaux.

Lorsque l’on se penche sur cette situation, l’on s’aperçoit que ce sont non pas les cotisations sociales qui augmentent le coût du travail, mais bel et bien les appétits des actionnaires, et ce contrairement à ce que le MEDEF voudrait nous laisser croire.

Entre 1993 et 2009, le volume des cotisations sociales a augmenté de 19 %. Or, dans le même temps, les revenus financiers des entreprises et des banques ont progressé de 143 % ! Mais, surtout, la part des produits financiers dans la valeur ajoutée des entreprises est désormais près de deux fois supérieure – 29 % contre 15 % – à celle des cotisations sociales.

C’est donc bien la financiarisation à outrance de notre économie qui plonge dans le rouge notre protection sociale, et non, contrairement à ce que vous voudriez, là encore, faire accroire, les droits sociaux qui seraient devenus trop lourds à porter. Tout au contraire, ces droits contribuent à la réussite des entreprises de notre pays puisque, faut-il le rappeler, la productivité des salariés français est l’une des meilleures au monde.

Mme Isabelle Debré, vice-présidente de la commission des affaires sociales. C’est vrai !

Mme Éliane Assassi. Face à ce constat, le groupe CRC-SPG est convaincu que les mesures que vous proposez ne sont pas suffisantes. Nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls à le penser, puisque le président de la Cour des comptes estime qu’il faudrait réduire de 15 milliards d’euros les niches sociales ! Or, monsieur le ministre, vous vous contentez de proposer une réduction de 10 milliards d’euros, niches sociales et fiscales confondues.

Nous considérons qu’une meilleure répartition des richesses entre travail et capital, combinée au développement de l’emploi qualifié et rémunéré à sa juste valeur, permettra de répondre efficacement à l’enjeu du financement de notre modèle de protection sociale et préservera cet acquis à la fois précieux et libérateur.

En tout état de cause, j’indique d’ores et déjà que nous voterons contre ce projet de loi, mon collègue Guy Fischer vous exposera plus longuement tout à l’heure les raisons de notre opposition en défendant une motion tendant à opposer la question préalable. Quoi qu’il en soit, nous demandons qu’il soit procédé à un vote par scrutin public.

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