Affaires économiques

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

Lire la suite

La SNCF, avec l’État, doit redevenir un organisateur stratégique et logistique

Développement du fret ferroviaire -

13 décembre 2017
La SNCF, avec l’État, doit redevenir un organisateur stratégique et logistique
par [Groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste->https://www.youtube.com/channel/UCGMy4lcU26bYb4ZFHYMZQZw]
https://youtu.be/xRNQJE-1abM
La SNCF, avec l’État, doit redevenir un organisateur stratégique et logistique

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur le constat alarmant dressé à l’instant par ma collègue Éliane Assassi.

La diminution drastique du fret ferroviaire dans notre pays est en contradiction totale avec les objectifs fixés par la loi Grenelle 1, la Commission européenne et l’accord de Paris. Ainsi, alors que la loi Grenelle 1 prévoyait que 25 % du fret se ferait par des modes de transport alternatifs à la route, on observe une baisse de 21 % du total de marchandises transportées par le fret ferroviaire entre 2008 et 2014.

Comme beaucoup d’entre vous, je m’interroge sur l’écart entre un discours volontariste repris par tous les gouvernements successifs et sa traduction effective. À ce titre, le rapport de la Cour des comptes du 3 juillet dernier est éclairant. La Cour, avec le sens de la litote qu’exige sa neutralité, évoque « une politique de l’État en faveur du fret ferroviaire [qui] comporte des contradictions ». C’est le moins que l’on puisse dire !

Dans le budget pour 2018, le financement du fret routier, de 80 millions d’euros, est huit fois supérieur à celui du fret ferroviaire, qui ne représente que 10 millions d’euros.

La suppression de l’écotaxe précédemment évoquée maintient le déséquilibre économique entre la route et le rail en externalisant tous les coûts négatifs du transport routier sur la collectivité.

L’autorisation par décret des camions pesant 44 tonnes est un très mauvais signal lorsque l’on ambitionne de reporter le transport routier sur le rail.

Pis encore, la France est l’un des rares pays en Europe à autoriser une hauteur de 4,5 mètres pour les camions, ce qui pénalise lourdement l’intermodalité, les infrastructures du fret ferroviaire étant majoritairement calibrées pour des camions de 4 mètres.

Ainsi, la part modale du fret ferroviaire, de 15,6 % en France, est inférieure à la moyenne européenne, qui atteint 18,3 %, alors même que nous disposons de l’un des meilleurs réseaux ferroviaires du continent. Si la désindustrialisation de notre pays explique en partie la baisse structurelle de la part modale du fret ferroviaire, il ne faudrait surtout pas oublier de pointer du doigt la vétusté du réseau, qui décourage les transporteurs.

Autre facteur, la France n’a pas su s’adapter à l’explosion du commerce en ligne, qui entraîne une multiplication des livraisons de commandes individuelles dans des délais très courts. Ce type d’activité est peu compatible avec la logistique lourde du fret ferroviaire, majoritairement calibré, jusqu’alors, pour le commerce industriel.

Enfin, au-delà des infrastructures laissées à l’abandon, notre pays n’a pas été capable de penser efficacement l’intermodalité. J’en veux pour preuve la situation dramatique de la gare de triage de Miramas dans les Bouches-du-Rhône. On parle là de l’interface stratégique entre le port de Marseille Fos et la vallée du Rhône, l’un des axes les plus essentiels du commerce européen. Faute de pouvoir trouver 17 millions d’euros pour rénover le site, la SNCF envisage de le fermer. Cette décision est un non-sens économique, social et écologique. Elle aurait pour effet de lancer 300 000 camions de plus sur les routes, ce qui viendrait aggraver un peu plus la pollution chronique de la vallée du Rhône et de son embouchure.

Puisque j’évoque ma région, je m’attarderai sur quelques éléments qui me permettront d’illustrer la suite de mon propos.

Dans les Alpes, la part du fret ferroviaire est tombée à 3,5 millions de tonnes de marchandises par an. Pourtant, moyennant un petit milliard d’investissements pour rénover les lignes, le réseau ferroviaire existant est capable d’absorber 5 fois plus, jusqu’à 17,5 millions de tonnes, soit les trois quarts du commerce entre la France et l’Italie. Je le précise au passage, parmi les arguments ayant permis de justifier les 25 milliards d’investissements pour la LGV Lyon-Turin figurait le développement du fret ferroviaire, et ce jusqu’à 60 millions de tonnes de marchandises par an. Nous en sommes bien loin !

Je salue à ce sujet le pragmatisme de Mme la ministre chargée des transports. Il est temps de changer de méthode et d’orienter les fonds publics vers des solutions efficaces, adaptées aux territoires, en s’appuyant sur l’existant.

Tel est le sens de la résolution que nous vous proposons et qui s’accorde parfaitement avec les objectifs affichés par le Gouvernement.

Tant pour le développement du fret que pour celui du réseau ferroviaire régional, l’État doit éponger la dette de SNCF Réseau. La décision récente de la Commission européenne sur le cas italien crée un précédent bienvenu pour investir dans le rail sans risquer de distordre la concurrence.

Il faut ensuite créer une nouvelle taxe sur les poids lourds, tant pour inciter les transporteurs au report modal que pour flécher des financements propres au développement du fret ferroviaire.

N’oublions pas également l’enjeu social que constitue la relocalisation d’emplois sur le territoire. En lien avec l’État, il faut que la SCNF redevienne un véritable organisateur stratégique et logistique du développement du ferroviaire. Il s’agit de rénover ses infrastructures, d’en développer de nouvelles dans les zones économiques en construction, de réserver du foncier dans les zones urbaines pour y développer le fret, de préserver et développer l’activité « wagon isolé », la seule à même de faire face aux besoins de livraison du commerce en ligne.

Le défi est immense, mais la volonté est partagée. L’État doit devenir un acteur central du développement du fret. Certes, la libéralisation du rail qui nous sera imposée en 2019 ne facilitera certainement pas les choses. Pourtant, d’autres pays ont su faire les bons choix. Je pense à la Suède ou à la Suisse, plus proche de nous, qui ont investi durablement dans leur réseau et sont intervenues dans le domaine législatif, en adoptant des lois qui donnent la priorité au fret ferroviaire.

Hier, le Président de la République réunissait un sommet pour la planète, pour répondre à l’urgence écologique et climatique. Il a annoncé avec raison que l’heure était aux actions concrètes. C’est exactement ce que nous vous proposons avec ce texte !

Les dernieres interventions

Affaires économiques La réintroduction des néonicotinoïdes bafoue la Charte de l’environnement  

Mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques : exception d’irrecevabilité - Par / 27 octobre 2020

Affaires économiques Ce texte porte des mesures positives mais manque de vision globale et cohérente

Économie circulaire : conclusions de la commission mixte paritaire - Par / 30 janvier 2020

Affaires économiques Les marchés financiers encore moins encadrés

Croissance et transformation des entreprises : article 25 - Par / 31 janvier 2019

Affaires économiques Loi Macron, la loi qui taille patron

Quand le libéralisme se cache derrière le fourre-tout, chronique d’un débat parlementaire - Par / 23 avril 2015

Administration