Dans le département

Colloque : "Pour que la langue cesse d’être un instrument de discrimination et d’exclusion"

Par / 17 avril 2008

Avant toutes choses, je voudrais excuser l’absence de mon ami Robert Bret, Sénateur des Bouches du Rhône, qui se trouve au Cap, en Afrique du Sud, dans le cadre d’une mission du groupe français de l’Union interparlementaire.

Je tiens à remercier les organisateurs de ce colloque pour la ténacité dont ils font preuve pour le droit à la langue du pays d’accueil et je veux aussi exprimer le plaisir que j’ai d’être présente parmi vous aujourd’hui pour présenter le point d’étape d’un travail de longue haleine, initié le 25 mars 2005.

A l’époque, le groupe CRC du Sénat avait été sollicité par l’association « Droit à la langue du pays d’accueil ».
Celle-ci nous avait alors fait part des difficultés rencontrées par les populations non francophones pour vivre en France sans maîtriser la langue de leur pays d’accueil.

Cette question n’est pas nouvelle ; la France terre d’accueil de populations étrangères -ne serait-ce qu’au titre de son Histoire- n’a jamais su donner les outils publics à ces populations -souvent des travailleurs et leurs familles- pour qu’elles apprennent et maîtrisent la langue du pays. Certes, ce pays les accueillait mais ils venaient aussi y vendre leur force de travail. Et sans rentrer ici dans une polémique, on peut s’accorder sur le fait que ce manquement aux seuls principes d’égalité et de solidarité a traversé tous les gouvernements qui se sont succédés dans notre pays.

Ainsi le décalage entre d’un côté la nécessité de parler la langue du pays d’accueil pour prendre sa place dans la société et de l’autre côté, l’absence de moyens mis en œuvre par les pouvoirs publics pour y parvenir sont réels.

En France, l’accès à la langue est très disparate. Il n’existe pas, en droit français, l’énoncé d’un droit, au sens propre du terme. En principe, les besoins en formation linguistique des primo-arrivants et de leur famille sont satisfaits par un contrat d’accueil et d’intégration (CAI).

Or, non seulement ce contrat ne couvre que partiellement les besoins en formation linguistique mais en outre, les publics qu’il vise sont définis de façon trop limitative.
La formation linguistique proposée, d’une durée comprise entre deux cents et cinq cents heures, ne permet pas de pouvoir maîtriser l’écrit et l’oral ni d’acquérir une aisance suffisante afin de prendre sa place dans la société.
En plus, les formations linguistiques proposées par le CAI ne donnent lieu à aucune compensation financière de façon à dédommager la perte de salaire ou les frais engendrés par la garde d’enfants.

Surtout, le contrat d’accueil et d’intégration est imposé au primo-arrivant. Ce dernier est contraint de s’y soumettre car il conditionne indirectement l’obtention d’une première carte de résident. Bref, le contrat d’accueil et d’intégration ne répond pas aux besoins des populations non francophones qui vivent en France.

Suite à ce constat partagé, un groupe de travail s’est constitué, composé de parlementaires et d’acteurs du monde associatif, en vue de travailler à une proposition de loi qui permettrait un droit à la langue nationale de l’Etat d’accueil pour tous.
Les travaux du groupe de travail ont été guidés par le souci de concevoir cet accès à la langue, non comme une obligation, mais comme un droit.
Il s’agit en fait de donner les moyens aux primo-arrivants, aux étrangers résidant en France, aux français dont l’un des parents ne maîtrise pas la langue française, aux demandeurs d’asile et aux membres de leur famille de parvenir à une véritable autonomie dans leur vie de tous les jours, que ce soit pour comprendre et remplir divers documents administratifs, aider les enfants à l’école, lire le journal ou encore se déplacer facilement dans les transports en commun...

En tant que parlementaire, je pense que le travail qui a été réalisé est très important. Je considère qu’il est essentiel que le Parlement s’ouvre aux problèmes de société et mène un travail de proximité, en étroite collaboration avec les mouvements associatifs.
Le groupe de travail a donc procédé à des auditions multiples sur la base desquelles la proposition de loi que nous vous présentons a été préparée.
Le groupe de travail a pu auditionner des bénéficiaires de la formation linguistique, des acteurs du monde associatif, des juristes, des linguistes, des conseillers régionaux...
Au cours de ce travail, nous avons pu bénéficier de l’avis du Service des Etudes Juridique et de la division des Etudes de Législation comparée du Sénat, je les en remercie.
Au terme de ces travaux, nous avons abouti à la proposition de loi relative au Droit de formation à la langue nationale de l’Etat d’accueil.
C’est donc un excellent texte que le groupe Communiste Républicain et Citoyen a déposé sur le bureau du Sénat, le 18 mai 2006.

De plus, dans le cadre du débat au Sénat, fin 2007 sur le projet de loi relatif à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile, notre groupe est intervenu sur article pour présenter notre proposition de loi et insister sur la nécessité d’énoncer un droit, et non une obligation, à la formation.

Au sujet de la proposition de loi proprement dite : son objectif est clairement celui d’énoncer un droit à la formation linguistique pour :
- les primo-arrivants,
- les étrangers résidant en France,
- les français dont l’un des parents au moins ne maîtrise pas la langue française,
- les demandeurs d’asile et les membres de leur famille
afin qu’ils puissent accéder à la maîtrise de la langue française.
- une rémunération est prévue pour les stages linguistiques longs.

Notre démarche se veut juridiquement rigoureuse. C’est pourquoi la proposition de loi se fonde sur la Charte sociale européenne révisée de 1996, entrée en vigueur en 1999.
En effet, celle-ci prévoit expressément, dans son article 19 intitulé « Droit des travailleurs migrants et de leurs familles à la protection et à l’assistance », que les Parties, soit les Etats, s’engagent « à favoriser et à faciliter l’enseignement de la langue nationale de l’Etat d’accueil ou, s’il y en a plusieurs, de l’une d’entre elles aux travailleurs migrants et aux membres de leurs familles » (article 19-11). La France a ratifié la Charte sociale européenne révisée le 7 mai 1999, ses dispositions doivent donc être appliquées en France, elles ont une valeur contraignante pour notre pays. Nous devons donc les transcrire législativement afin d’assurer leur respect.

Cela dit, la destinée de cette proposition de loi pourrait rester lettre morte si elle n’était pas accompagnée de mobilisations pour faire grandir cette exigence du droit à la langue du pays d’accueil. Car, ne nous leurrons pas, la majorité actuelle au pouvoir n’en veut pas. Sans remonter aux politiques en matière d’immigration prônées par Nicolas Sarkozy, alors Ministre de l’Intérieur, je vous renvoie simplement à la création du Ministère de l’Immigration et aux derniers projets de lois présentés au parlement par Monsieur Hortefeux. J’oserais dire ici, qu’en la matière, les choix politiques sont particulièrement éclairants.
De plus, comme l’ordre du jour des assemblées est défini par le gouvernement, je doute fort que celui de M. FILLON se montre particulièrement sensible à nos arguments.

Permettez-moi à ce stade de mon propos de faire un parallèle avec une autre proposition de loi déposée à plusieurs reprises par les groupes de gauche au Parlement, dont le groupe CRC au Sénat ; je veux parler du droit de vote et d’éligibilité pour les étrangers. A l’instar du sujet qui nous réunit aujourd’hui, la droite refuse obstinément ce que nous sommes très nombreux à considérer comme un droit fondamental.
Mais, en fait, tout ce qui touche à l’immigration, aux étrangers -sauf à toujours faire le lien avec des débats sécuritaires ou protectionnistes- est indésirable pour la droite.

On nous parle d’intégration, de discriminations, mais comment évoquer l’un et condamner l’autre si d’emblée celles et ceux qui en sont les premières victimes sont bafoués dans leurs droits ?

Bien des combats restent donc à mener. Les résistances citoyennes pour ce droit de vote, pour la régularisation des sans-papiers, contre les lois sur l’immigration et ce combat pour le droit à la langue du pays d’accueil doivent se poursuivre dans la cohérence car la droite, elle, met en œuvre une stratégie et un projet politique très cohérents.
Sans le droit de vote, nous n’obtiendrons pas le droit à la langue du pays d’accueil et inversement, sans le droit à langue du pays d’accueil nous n’obtiendrons pas le droit de vote pour les étrangers.

A ce titre, je me reconnais totalement dans l’intervention de Michèle Bernard Uturia parue dans votre bulletin de mai 2006 quand elle dit, je la cite : « Ce droit à la langue nous en sommes convaincus, ne saurait être séparé de tout un ensemble d’autres droits sans lesquels on ne peut être vraiment un citoyen à part entière.

Parmi ces droits rappelons : le droit de vivre en famille, le droit d’exercer une activité syndicale, une activité politique et bien sûr le droit de vote. Ces droits ne sont pas tous réalisés, certains ne sont même pas reconnus. Si l’on veut qu’il y ai véritablement une intégration réussie de ces hommes et de ces femmes, il y a urgence à ce que ces droits soient proclamés et effectifs ». Fin de citation.

Tout ceci pour dire que nos engagements et nos ambitions, à vous et aux élus que nous sommes, conjugués à la proposition de loi doivent investir le débat public donc citoyen. Car c’est par la volonté des hommes et des femmes pour lesquels les valeurs de notre République ont du sens que des droits fondamentaux seront respectés et que de nouveaux seront conquis.

Je vous remercie.

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