Les débats

Ces zones confèrent à notre pays une influence diplomatique et stratégique considérable

Zones économiques exclusives ultramarines -

Par / 18 juin 2014

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le président de la délégation à l’outre-mer, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je me félicite que l’excellent rapport de MM. Antoinette, Guerriau et Tuheiava nous donne l’occasion de comparer les différents points de vue sur cet enjeu déterminant que constituent nos zones économiques exclusives ultramarines.

C’est sous ce vocable quelque peu technico-juridique que se joue une grande partie de l’avenir de la France, de l’Europe et, j’ose le dire, de l’humanité tout entière.

Le rapport susvisé est presque exhaustif. Il brosse un tableau précis et lucide des potentialités et de la situation. Il a en outre le grand mérite de formuler dix recommandations, que le Gouvernement serait bien avisé de suivre s’il ne veut pas accuser un retard irrémédiable.

Il faut bien mesurer l’ampleur du sujet qui nous occupe cette après-midi.

Ce constat a déjà été dressé, mais il mérite d’être rappelé : notre pays possède plus de mers que de terres, et même dix-huit fois plus.

M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. C’est vrai !

Mme Éliane Assassi. Notre domaine maritime compte près de 11 millions de kilomètres carrés, répartis sur toute la surface du globe. L’espace maritime français, largement hérité de nos politiques coloniales, est ainsi le deuxième ensemble mondial, juste derrière celui des États-Unis.

De quoi parle-t-on avec ces ZEE ?

Définies par la convention internationale de Montego Bay, que la France a signée en 1982, les zones économiques exclusives octroient aux États 370 kilomètres de souveraineté marine au large de leurs côtes.

Pour ce qui concerne notre pays, les 118 îles de la Polynésie française, dont 76 seulement sont habitées, cumulent par exemple à elles seules plus de 4,8 millions de kilomètres carrés de ZEE. (M. le président de la délégation sénatoriale à l’outre-mer acquiesce.)

Citons encore, à 1 300 kilomètres à l’ouest des côtes mexicaines, l’île inhabitable de Clipperton qui, avec ses 7 kilomètres carrés, nous donne la jouissance d’un espace exclusif de plusieurs milliers de kilomètres carrés au milieu de l’océan Pacifique !

Ces zones regorgent de ressources minérales, comme le cobalt et le platine en Polynésie française, ce que l’on appelle les « terres rares » – cadmium, mercure, sélénium –, autour de Wallis-et-Futuna, le nickel le platine et des métaux stratégiques autour de l’île de Clipperton, ou évidemment l’or, le platine et le nickel autour de la Nouvelle-Calédonie.

Ce sont aussi de potentielles sources d’approvisionnement en énergies fossiles (Mme Gisèle Printz acquiesce.), avec des réserves pétrolières autour des îles Éparses, dans le canal du Mozambique, qui nous sont contestées par Madagascar, ou au large de la Guyane.

Dans ce dernier territoire, des études prospectives concernant l’exploitation des ressources d’hydrocarbures évoquent même la possibilité de produire 100 000 barils de pétrole brut par jour, soit cinq fois ce que la France extrait aujourd’hui !

Les ZEE forment enfin un potentiel d’énergies marines renouvelables, comme l’a expliqué M. Perrot, alors président-directeur général de l’IFREMER, lors d’une audition de nos rapporteurs. À ses yeux, ce potentiel, « comme source complémentaire dans une perspective d’autosuffisance énergétique, a toute sa pertinence en outre-mer. »

Ces ZEE, dont 97 % se situent au large de nos territoires ultramarins, confèrent donc à notre pays une influence diplomatique et stratégique considérable.

De surcroît, ces exemples montrent bien l’enjeu économique, géostratégique et politique majeur que représentent nos ZEE.

Ce potentiel pourrait utilement permettre de répondre, en partie, aux besoins existants, notamment en termes d’énergies fossiles et renouvelables. Malheureusement, les gouvernements successifs n’en ont pas pris la mesure.

Comme le souligne le rapport précité, des experts considèrent que, en matière d’exploration des grands fonds océaniques, nous avons pris quinze ans de retard par rapport aux États-Unis, à l’Australie ou au Japon. Ce qui pourrait être considéré comme un extraordinaire terrain d’exploration scientifique et comme une manne de richesses, aussi bien énergétiques qu’halieutiques, reste donc à ce jour largement sous-exploité. Il n’existe actuellement aucune donnée délimitant strictement ces eaux territoriales ni aucun relevé permettant d’en connaître les ressources exactes.

C’est la raison pour laquelle je partage tout à fait les recommandations du rapport, qui préconise « d’ériger en priorité nationale une gouvernance dynamique pour une mise en valeur des ZEE ».

De même, je soutiens les mesures avancées pour créer de nouvelles relations et définir, avec nos outre-mer, un nouveau type de développement pour ces territoires.

Messieurs les rapporteurs, vous avez raison d’affirmer que ces territoires français ont un rôle irremplaçable à jouer dans la valorisation de ces potentiels, et que la défense des intérêts de ces lieux et des populations qui y vivent doit être la priorité. Celles-ci sont en effet les premières concernées par la valorisation de ressources extrêmement diverses.

Il est impératif de répondre aux souhaits de chacune de ces collectivités, quelle que soit sa situation statutaire, de s’engager dans la voie d’un développement durable et plus autonome, fondé sur les atouts locaux et correspondant plus étroitement aux attentes économiques et sociales de nos concitoyens.

Cela étant, j’insisterai surtout sur le rôle moteur que devrait jouer notre pays à l’échelle internationale dans la mise en œuvre d’une véritable gouvernance dans ce domaine.

Je souhaite que la France déploie une diplomatie beaucoup plus active en prenant des initiatives fortes à l’échelle internationale. Elle pourrait, par exemple, faire inscrire ce sujet à l’ordre du jour d’un prochain Conseil européen. L’objectif pourrait être d’obtenir la fixation de règles et de limites strictes pour s’opposer aux puissances qui considèrent les océans comme un espace de prédation, de compétitivité et de productivité au service exclusif de grands intérêts économiques privés.

De tous les États de l’Union européenne, notre pays, grâce à ses outre-mer, compte le plus grand nombre d’ouvertures maritimes. Or, en posant cette question d’une exploration encadrée et régulée et d’un développement des énergies renouvelables de la mer, la France susciterait certainement un effet d’entraînement. Elle renforcerait du même coup sa position au sein du Conseil.

Dans le même ordre d’idées, saisissons l’occasion de la présence, au mois de juillet, du Président de la République à la prochaine réunion de la Commission de l’océan Indien, qui traitera notamment de la gestion des océans et de l’autonomie énergétique, pour promouvoir la spécificité française en matière de développement durable. À ce titre, je souhaite que le chef de l’État puisse s’appuyer sur la proposition de résolution relative à une nouvelle politique énergétique et à un codéveloppement durable et solidaire dans l’océan Indien, que mon ami Paul Vergès soumettra au vote du Sénat.

Tels sont les commentaires et les appréciations des membres du groupe CRC, sur cette très importante question des ZEE, dont je tenais à vous faire part !

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