Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Un certain nombre des mesures proposées restent superficielles

Transparence, lutte contre la corruption et modernisation de la vie économique -

Par / 4 juillet 2016

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour ma part, je citerai non pas Guy Carcassonne, mais Honoré de Balzac, qui écrivait, dans Le Père Goriot : « La corruption est l’arme de la médiocrité qui abonde, et vous en sentirez partout la pointe. »

Si la corruption est un fléau universel, elle affecte différemment chaque région du monde. Notre pays n’en est pas exempt. Figurant en piètre position dans le classement européen, la France fait l’objet de critiques récurrentes de la part d’organisations internationales telles que l’OCDE ou le groupe d’États contre la corruption.

Dans ce contexte, nous approuvons a priori l’initiative du Gouvernement et partageons les objectifs qu’il se fixe en présentant un projet de loi qui pourrait permettre à la France de rattraper enfin son retard en la matière.

Sur la forme, nous regrettons cependant que, une fois de plus, le débat au Sénat soit biaisé. Le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, largement modifié par la droite sénatoriale, sera rétabli par les députés, compte tenu de l’importance des divergences.

Alors que le projet de loi se composait initialement de cinquante-sept articles, le texte transmis au Sénat en comportait cent soixante-douze.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. C’est lamentable !

Mme Éliane Assassi. Même si la commission des lois a supprimé de nombreux cavaliers législatifs, il nous reste à discuter de plus de cent cinquante articles !

Force est de constater que ce texte dont les dispositions disparates s’éloignent des objectifs initialement annoncés manque souvent d’un fil conducteur. On y trouve des mesures relatives au secteur de la coiffure, à celui des pneumatiques, à la boulangerie ou encore à l’étiquetage des produits laitiers… Ce sont là des mesures certes importantes, mais elles auraient dû figurer dans un autre texte,…

M. Jean-Claude Lenoir. Certes !

Mme Éliane Assassi. … pour éviter qu’à la loi « Sapin 2 » ne se substitue une loi « Macron 2 » ! Je note d’ailleurs la présence du ministre de l’économie et l’absence, regrettable, du garde des sceaux.

Certaines dispositions visant à moderniser la vie économique de notre pays vont dans le bon sens, y compris après leur examen en commission au Sénat ; nous les voterons. D’autres appellent un jugement négatif de notre part, à l’instar des mesures sur l’entrepreneuriat individuel. Dans la droite ligne de la loi Macron, elles visent à s’attaquer aux secteurs des services et de l’artisanat, en facilitant les infractions à la législation, la dérégulation et la baisse des exigences en matière de qualification professionnelle.

S’agissant des dispositions financières, en matière de lutte contre l’évasion fiscale, l’introduction à l’Assemblée nationale de deux nouveaux articles visant à renforcer les obligations de communication publique des données, pays par pays, auxquelles sont soumises les grandes entreprises va dans le bon sens. Cela étant, nous vous proposerons d’aller encore plus loin au travers d’amendements tendant à assurer la transparence financière et fiscale des entreprises à vocation internationale.

La commission des lois du Sénat est revenue sur le dispositif d’encadrement des rémunérations des dirigeants des grandes entreprises par l’assemblée générale des actionnaires. Il s’agit pourtant là d’une source majeure de corruption. Bien que très frileuse, cette mesure allait dans le bon sens. Nous vous proposerons, là encore, d’aller plus loin.

Sur ce qui aurait dû, à mon sens, constituer le cœur du projet de loi mais se trouve noyé parmi toutes ces mesures d’ordre économique, à savoir la lutte contre la corruption et le renforcement de la transparence, nous sommes pleinement convaincus de la pertinence des objectifs fixés par le Gouvernement, mais beaucoup moins de celle des outils choisis pour les atteindre.

Ainsi, la création d’une agence de prévention de la corruption nous laisse dubitatifs. J’y reviendrai au cours du débat, mais il n’est pas souhaitable de pallier les lacunes de l’État en matière de corruption en créant une nouvelle agence indépendante, dont le statut reste par ailleurs assez flou. Il importe de faire confiance à notre justice. En ce sens, nous approuvons les modifications apportées au texte par la commission des lois.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Merci !

Mme Éliane Assassi. Renforçons le pouvoir de notre parquet national financier et, au sein même des entreprises, associons davantage les instances représentatives du personnel. Un contrôle citoyen doit être mis en place.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Je suis pour !

Mme Éliane Assassi. C’est ce que nous vous proposerons par voie d’amendements.

En matière de transparence, je ne reviendrai pas sur les scandales qui ont marqué ce quinquennat, mais force est de constater que, même s’il s’agit d’une minorité, certaines personnalités politiques sont loin d’être exemplaires. Si nous voulons éviter la suspicion généralisée, il nous faut tout mettre en œuvre pour accroître la transparence.

Les détenteurs d’un mandat électif, ceux qui animent la vie politique, se doivent d’être exemplaires, tout comme les principaux décisionnaires de l’appareil étatique, tels que les hauts fonctionnaires.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Incontestable !

M. François Pillet, rapporteur. Nous sommes d’accord !

Mme Éliane Assassi. Il est scandaleux de constater que de plus en plus d’énarques ou de polytechniciens partent « pantoufler » dans les entreprises, sans même avoir respecté leur engagement de servir l’État durant dix ans.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Votez Le Maire !

Mme Éliane Assassi. Nous nous devons aussi de lutter contre cette forme « blanche » de corruption : nous présenterons un amendement à cette fin. Redonner le sens de l’État et de l’intérêt général dans cette époque où l’argent est roi est une urgence démocratique.

En parallèle, nous sommes favorables à la création du répertoire numérique des représentants d’intérêts. Le registre proposé doit être le plus large possible et imposer le plus haut niveau de transparence possible aux représentants d’intérêts, quel que soit l’échelon décisionnel.

Enfin, les lanceurs d’alerte sont des acteurs majeurs de la lutte contre la corruption. On connaît les nombreuses révélations qu’a permises leur action courageuse, parfois conduite au péril de leur vie. Elles ont fait la lumière sur des pratiques économiques ou stratégiques scandaleuses.

Notre droit actuel ne permet pas de protéger les lanceurs d’alerte. Or, compte tenu de l’organisation actuelle de notre société, l’intervention directe des citoyens dans la conduite des affaires publiques est malheureusement indispensable. En ce sens, nous veillerons à ce que la définition des lanceurs d’alerte issue des travaux de l’Assemblée nationale soit rétablie, même si l’on peut regretter que la loi continue à distinguer deux types de lanceurs d’alerte : les « bons », qui permettent à l’État de récupérer de l’argent qui lui revient, et les « mauvais », qui se mêlent de ce qui ne les regarde pas en dévoilant des secrets d’État…

En définitive, comment ne pas partager les objectifs du Gouvernement en matière de transparence et de lutte contre la corruption ? Cependant, nous regrettons qu’un certain nombre des mesures proposées restent superficielles : il semble parfois que nous ayons plutôt à faire à un texte d’affichage, visant à la fois à répondre aux critiques récurrentes adressées à la France et à renouer le lien défait entre le Gouvernement et la « gauche ».

En outre, en se dotant de nouveaux outils juridiques dont l’efficacité reste entièrement à prouver, le Gouvernement avoue son échec en la matière et se défausse en créant une machinerie de « régulation », plutôt que d’assumer ses responsabilités.

Parce que « la corruption c’est aussi le manque de dignité, c’est l’absence de scrupule, c’est l’exploitation des gens sans défense », pour reprendre les mots de l’écrivain Tahar Ben Jelloun, la lutte contre la corruption est intimement liée à la nature de notre projet pour la société et pour la démocratie.

Si la rédaction issue de l’Assemblée nationale avait été conservée, nous aurions pu nous abstenir. Sur le texte tel qu’il a été récrit par la droite sénatoriale, nous réservons notre vote !

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