Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Malgré des progrès significatifs, ce texte reste assez disparate

Actualisation du droit des outre-mer : conclusions de la CMP -

Par / 1er octobre 2015

Monsieur le président, madame la ministre, madame la vice-présidente de la commission des lois, mes chers collègues, je veux à mon tour adresser mes félicitations à M. Jean-Jacques Hyest, même si beaucoup ici connaissent les réserves de mon groupe à l’égard du Conseil constitutionnel et de son existence même.

Toujours est-il que j’ai eu plaisir à travailler avec M. Hyest, notamment quand il présidait la commission des lois, raison pour laquelle je tenais à le féliciter du haut de cette tribune.

Dans ce projet de loi dit d’« actualisation » du droit des outre-mer – il aurait été plus juste de dire d’« adaptation » –, il y a de tout. J’admets volontiers quelques avancées, bien que certains points aient mérité d’être traités de manière plus approfondie.

Concernant les avancées, je pense particulièrement à celle qui figure à l’article 1 ter : les associations de consommateurs représentatives dans chaque outre-mer pourront enfin ester en justice. Selon moi, il s’agit d’un réel progrès, d’autant que mon ami Paul Vergès avait déposé, avec notre groupe, au cours de l’examen du projet de loi relatif à la consommation, en septembre 2013, un amendement visant justement à obtenir cette reconnaissance. Le ministre de l’époque nous avait alors rétorqué en substance qu’il était plus simple, pour les associations de consommateurs d’outre-mer, de mettre sur pied des partenariats avec une association nationale agréée. Cela me rappelle le débat que nous avons eu hier sur le projet de loi modernisation de notre système de santé !

Notre groupe avait également déposé un tel amendement dans le cadre du projet de loi Macron, sans plus de succès, mais –il est vrai – pour des questions de procédure.

Une deuxième avancée concerne la question des frais d’itinérance : sur ce sujet, notre groupe avait également présenté un amendement lors de la discussion du projet de loi Macron.

Les réponses apportées tant par la rapporteur que par le ministre avaient été identiques : « l’Union européenne, via un règlement du 13 août 2014, a déjà proposé de faire baisser les tarifs ». Certes, mais cette disposition portait uniquement sur les liaisons entre pays, et non à l’intérieur d’un même pays. Il restait donc à agir au sein même de l’espace français.

Ce texte va donc permettre de faire évoluer la situation, mais seulement au mois de mai prochain, et non au 1er janvier. Pourquoi ? Tout simplement parce que les opérateurs en téléphonie mobile s’accommodent fort bien de la situation, leur rente étant conséquente. Leur mobilisation unanime contre cet article en est une preuve évidente.

Néanmoins, derrière la question du coût de ce qu’il est convenu d’appeler « roaming » en franglais, persiste une situation inacceptable : tous nos collègues d’outre-mer ont d’ailleurs été confrontés à la même réponse de l’opérateur choisi par le Sénat lors du renouvellement du contrat téléphonie.

En effet, les outre-mer sont considérés comme pays étrangers : aucun forfait, de quelque opérateur que ce soit, n’inclut les communications échangées par mobile entre l’outre-mer et la France métropolitaine. Toutes les communications sont hors forfait, et donc surtaxées ! On pourrait presque voir là une forme de discrimination.

Quant à l’article 2 bis, il permet une avancée en demi-teinte, puisqu’il se limite à demander au Gouvernement de remettre un rapport sur les « surcharges carburants ». Il est vrai que cette ligne, composante du prix des billets d’avion entre la France métropolitaine et les outre-mer, est une variable d’ajustement du prix pratiqué par les compagnies aériennes. Espérons donc que ce rapport débouche sur la demande d’un réel contrôle effectué par un organisme indépendant !

Toutefois, cela paraît bien incertain : au nom du sacro-saint secret commercial, les compagnies aériennes se gardent bien de communiquer ces chiffres, et ce depuis des années.

L’article 4 quinquies permet également une avancée. Il concerne les délais de paiement des entreprises, notamment par les collectivités. Le problème est réel, les délais étant plus longs. Paul Vergès, pour notre groupe, l’a souvent souligné.

Cet article confère à l’IEDOM, l’Institut d’émission des départements d’outre-mer, la charge de rédiger un rapport annuel sur la question, afin d’y apporter des solutions.

Les collectivités territoriales d’outre-mer sont souvent dénoncées comme étant « mauvaises payeuses ». Mais quelle est leur marge de manœuvre financière ? C’est la question des dotations aux collectivités qui apparaît en filigrane derrière ce problème. Elle concerne bien sûr les outre-mer, mais aussi la totalité des collectivités : régions, départements, EPCI et communes. Soyez assurée, madame la ministre, que nous continuerons à mener cette bataille, en particulier au cours des prochaines semaines.

Dans un tout autre domaine, nous apprécions que l’article 4 quinquies B prévoie que les statistiques nationales devront également comporter des données chiffrées concernant les outre-mer. Je rappelle que, dans le projet de loi de modernisation de notre système de santé, notre groupe avait proposé la même chose. Nous serons donc attentifs à la publication rapide de ce décret visant à encadrer la communication de ces données, et vigilants sur son contenu.

Concernant la lutte contre l’habitat indigne, qui fait l’objet de l’article 7 bis A, il y aurait beaucoup à dire. Certes, le fait d’aborder cette question est une avancée significative. Mais celle-ci se pose de façon récurrente : quel que soit le cadre dans lequel s’inscrit la lutte contre l’habitat indigne, le point essentiel, à savoir celui des financements, n’est pas abordé, pas plus, d’ailleurs, que n’avait été abordée la question du logement en outre-mer dans le projet de loi ALUR. Il est vrai que le plan « logement outre-mer » est une première réponse. Là aussi, nous veillerons, dans les prochaines semaines, à ce que les crédits annoncés soient bien inscrits dans le projet de loi de finances.

J’en viens aux points qui auraient mérité d’être approfondis. Je pense essentiellement à la question de LADOM, l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité. On ne peut que se féliciter du changement de statut. Mais nous regrettons que le Gouvernement n’ait pas saisi cette occasion pour dresser un réel bilan de l’action de LADOM, pour chaque entité d’outre-mer.

Au sujet de la formation et de la mobilité, l’article 12 de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale prévoyait que le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur la formation professionnelle en outre-mer, notamment par la mobilité dans le cadre de la continuité territoriale. L’échéance en était fixée au 5 septembre 2015. D’où ma question, madame la ministre : où en est ce rapport ?

En conclusion, je me félicite que notre travail d’élaboration de la loi ait été fructueux. Grâce aux amendements déposés tant ici qu’à l’Assemblée nationale, ce projet de loi est plus consistant, mieux charpenté. C’est dire l’importance de l’initiative parlementaire. Dès lors, est-il bien judicieux de revenir sur le fonctionnement du travail parlementaire, quand on voit les effets positifs qu’il implique ?

Au total, malgré des progrès significatifs, ce texte reste assez disparate. Il ne permettra pas à nos outre-mer de sortir de la profonde crise structurelle dans laquelle vivent depuis des années les populations concernées.

Néanmoins, bien qu’il « reste sur sa faim », le groupe CRC votera les conclusions de la commission mixte paritaire sur ce projet de loi.

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