Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Ce projet de loi est l’exemple de la régression des droits du Parlement

Simplification et sécurisation de la vie des entreprises -

Par / 9 décembre 2013

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons s’inscrit dans le cadre du « choc de simplification » annoncé en mars dernier par le Président de la République. Il entend mettre en œuvre le programme triennal de simplification de la vie des entreprises.

Le choix des mots n’étant pas innocent, nous n’avons été guère surpris de la teneur de ce texte qui s’inscrit largement dans la lignée des textes de simplification, ou d’allégement, de la législature précédente. Si le rapporteur de la commission des lois, à l’Assemblée nationale, précise à cet égard que « conformément au souhait du Président de la République, le Gouvernement a engagé un nouveau processus de simplification, qui tire les leçons des dysfonctionnements constatés sous la précédente législature », nous constatons, quant à nous, que la « modernisation de l’action publique » n’est qu’une nouvelle version de la révision générale des politiques publiques.

Dès lors, vous comprendrez que le recours massif aux ordonnances de l’article 38 de la Constitution, l’absence de justification par l’urgence, l’habilitation demandée sur un contenu large et évasif, nous conduisent à émettre les mêmes critiques qu’hier. Il est vrai que le texte comporte un nombre raisonnable d’articles, mais il procède trop souvent à des regroupements anarchiques de sujets divers au sein d’un même article.

À cela s’ajoute que le contenu des dispositions s’éloigne de la seule simplification de la vie des entreprises. Il en va ainsi du régime de la participation des employeurs à l’effort de construction. Sur ce sujet, le Parlement a d’ailleurs adopté en juillet dernier une loi habilitant le Gouvernement à prendre des mesures de nature législative pour accélérer les projets de construction.

Rien ne justifie non plus les articles 12 et 13 qui portent habilitation pour transposer les recommandations de Bâle III ou le mécanisme de surveillance unique. Ce débat doit avoir lieu devant le Parlement et non rester calfeutré dans les bureaux de la Commission européenne ou du ministère des finances.

Au-delà du lien ténu de certaines dispositions avec le sujet annoncé, ce projet de loi se caractérise également par des occasions manquées. Tel est le cas de l’article 16 qui, après une réécriture par un amendement de l’opposition en commission, a été complètement vidé de son contenu. Tel est aussi le cas de l’article 12 qui autorise le Gouvernement à réformer les procédures relatives au traitement des entreprises en difficulté par voie d’ordonnances et qui prévoit de donner compétence au Gouvernement pour modifier le titre VI du code de commerce relatif aux entreprises en difficulté, notamment sur les questions de régime procédural. Pour notre part, nous attendions un projet de loi qui réforme la justice consulaire afin de mettre un terme aux situations de conflits d’intérêts au sein même de l’institution judiciaire.

Enfin, ce projet de loi entend dessaisir le pouvoir législatif dans des domaines particulièrement sensibles, dans un contexte économique où le marché impose sa loi, faisant du travail sa variable d’ajustement. Ainsi, il nous est demandé d’habiliter le Gouvernement à modifier le droit du travail, tout en précisant, pour nous rassurer, que les partenaires sociaux seront associés.

Après le projet de loi sur l’accord national interprofessionnel, et à l’heure où le Gouvernement annonce son intention de supprimer les élections prud’homales, vous comprendrez que nous ne soyons pas enclins à laisser au pouvoir réglementaire le soin de réformer les obligations faites aux employeurs en matière d’affichage et de transmission de documents à l’administration.

De plus, dans un contexte de crise sociale, de remise en cause du code du travail, les salariés ont besoin d’une inspection forte et indépendante et non pas d’une réforme par le bas des droits existants. La simple mise à disposition des informations prévue à l’article 1er risque d’entraîner une moindre détection des irrégularités par l’administration.

En ce qui concerne l’habilitation pour réformer le délai de prévenance, vous prévoyez de raccourcir ce délai afin qu’il ne prolonge pas la période d’essai. Cette modification risque de pénaliser les salariés. Il n’est pas anodin que les députés socialistes aient voté un amendement de la droite, visant à préciser que les modifications se feront également dans l’intérêt des employeurs, et non plus seulement des salariés.

L’article 14 ne nous satisfait pas non plus. Nous avons débattu de la libéralisation de l’implantation des éoliennes lors de l’examen de la loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes. La procédure unique intégrée expérimentée pour les installations classées pour la protection de l’environnement vise à favoriser l’industrie éolienne. Selon nous, il est important d’associer les populations locales à de tels projets, comme il est fondamental d’avoir une réelle cohérence de la politique énergétique et du mix énergétique sur l’ensemble du territoire.

L’article 10, quant à lui, prévoit d’autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure visant à moderniser la gouvernance des entreprises dans lesquelles l’État détient une participation, majoritaire ou minoritaire. Il s’agit pour cela d’améliorer « l’efficacité et la souplesse de la gestion » de ces participations. Justifié par la volonté de simplification, cet article n’est pas fait pour nous rassurer. Le projet d’ordonnance ne nous a pas été présenté et, en l’état, le champ de l’habilitation est particulièrement large.

On tente également de nous convaincre, en renvoyant à l’exposé des motifs, que les ordonnances préserveront pleinement la spécificité de la représentation des salariés au sein des entreprises publiques. Pourquoi ne pas l’avoir écrit dans l’article 10, ou dans l’amendement que vous avez déposé sur cet article pour être discuté en séance publique ?

Par ailleurs, la volonté de rapprochement des entreprises visées avec celles du secteur privé n’est pas acceptable pour nous. Un amendement déposé sur l’initiative de la commission des affaires économiques précise, pour « les règles concernant les opérations en capital », que le Gouvernement n’aura pas l’habilitation pour modifier « des dispositions particulières imposant un seuil minimum de détention du capital de certaines de ces entreprises par l’État ou ses établissements publics ». Cette précision est très utile et elle montre que les inquiétudes sont partagées.

Ensuite, nous ne voyons pas l’intérêt de modifier le recrutement des administrateurs qui représentent l’État dans ces entreprises. La recherche de talents ne le justifie pas, et le risque de conflit d’intérêt devrait l’interdire.

Nous considérons que ces entreprises dans lesquelles l’État détient une part du capital ne doivent pas être assimilées à des entreprises du secteur privé, elles sont avant tout propriété de la nation. Il y a quelques mois Arnaud Montebourg déclarait dans une interview au Wall Street Journal : « Dans le cadre de la restructuration budgétaire et [de] la modernisation des politiques publiques, nous réfléchissons en effet à un changement de nos participations. »

Il serait inacceptable de brader une partie du patrimoine de l’État pour répondre à des politiques d’austérité, là où l’intérêt général appelle une consolidation de la présence de l’État. Nous pensons qu’il est urgent de renationaliser des outils industriels stratégiques, je pense en particulier au secteur énergétique. De même, il est nécessaire d’assurer une gouvernance qui garantisse la démocratisation et l’appropriation sociale des choix stratégiques et de la gestion de ces entreprises.

Enfin, j’exprime, à nouveau, ici, notre vive inquiétude quant à la régression des droits du Parlement. Ce projet de loi en est un exemple presque complet : recours massif aux ordonnances, urgence déclarée, amendements du Gouvernement portant articles additionnels examinés en commission sans avoir été soumis à l’Assemblée nationale. À cela s’ajoutent d’autres verrous dont il est fait une application zélée : utilisation de l’article 40 de la Constitution, argument tiré de la transposition maximale d’actes européen, vote bloqué, etc. Lors de l’examen du projet de loi relatif à la consommation, nous avons même vu le Sénat adopter un amendement sous réserve de la décision de la Commission européenne !

Mes chers collègues, vous comprendrez que, face à de tels griefs, tant sur la forme – qui devient une question de fond – qu’en raison de l’importance et de la diversité des sujets couverts par l’habilitation, l’appréciation du groupe CRC soit plus que réservée.

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